Ailleurs peut-être – Amos Oz

Critique par Sibylline – Premier roman

Ce roman est le premier qu’ait publié Amos Oz. C’était en 1966, et, il nous y parle de la vie dans un kibboutz à l’époque où il y habitait lui-même. «Ailleurs peut-être» fut, comme le souligne M. Saporta dans sa préface à la première édition, «le premier grand roman qui nous vient du kibboutz.» Une raison de plus pour ne pas le négliger. Mais attention, ce roman n’a rien d’autobiographique, oubliez l’autofiction etc. Il a juste la particularité de se situer dans un milieu très particulier, le seul d’ailleurs qu’Oz connaissait bien à cette époque.

Tout d’abord, en ce qui me concerne, je n’avais qu’une idée très vague de ce qu’étaient le mode de fonctionnement et les règles de vie à l’intérieur d’un kibboutz. Cela a donc été une découverte qui a augmenté pour moi l’intérêt de l’intrigue elle-même. Le kibboutz est un domaine agricole sur lequel des gens qui ont choisi ce mode de vie, viennent vivre et travailler en toute communauté, renonçant à tout bien personnel et acceptant que toutes les décisions les concernant, depuis le travail qu’ils feront jusque dans l’éducation de leurs enfants par exemple, soient prises par la communauté, par l’intermédiaire de conseils élus et provisoires. Comme vous le voyez, on est en pleine autogestion et vie communautaire, je devrais dire «communiste», mais j’y renonce, le terme ayant été détourné, il serait mal compris.

Dans ce monde passionnant à découvrir, les humains évoluent comme ils le font partout avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs désirs, leurs tentatives, leurs réussites et leurs échecs. J’ai trouvé qu’Amos Oz, tout comme d’ailleurs la voix communautaire, se montrent à cette occasion particulièrement ouverts et tolérants. On voit rarement aussi fermement implicitement posé le fait que l’on peut faire souffrir quelqu’un sans être soi-même condamnable. Il ne semble pas y avoir de ligne droite de part et d’autre de laquelle chacun se poserait. La vue est plus large et j’aime cette notion. Pourtant, c’est bien la «Médisance» qui fournit au narrateur toutes les informations dont il nous fait part et elle, elle est parfois sacrément mauvaise Mais elle est comme le reste, elle fait partie du tout.

Nous suivrons particulièrement les vies de Reouven Harich, poète, dont la femme est partie, quittant par la même occasion le kibboutz, Noga sa fille adolescente, Ezra Berger, le chauffeur et Bronka, son épouse, ainsi que de leur entourage, non pas esquissé à grand traits mais très approfondi au contraire, avec une maîtrise que l’on doit admirer dans un premier roman. Tous ces personnages ont des personnalités complexes qu’Amos Oz a su explorer avec une finesse et une subtilité que j’ai vraiment appréciées.

Tout cela sur fond de vie armée, car ce kibboutz se trouve à la frontière non encore pacifiée avec les Arabes et les escarmouches ne sont pas rares. Nous rappelant que ces intrigues humaines que nous découvrons à travers la vie de nos personnages, cette expérience sociale que le kibboutz a été, sont à considérer dans le cadre plus large d’un monde qui n’a pas connu la paix depuis plusieurs générations et qui n’ose même pas encore l’espérer.

Antoine
Antoine
Passionné de livre depuis mon plus jeune âge, je vous propose de partager cette passion de la Plume sur ce site internet.
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