Critique par Mapero – Choc culturel
La presse vient de nous apprendre le décès de l’écrivain nigérian installé aux États-Unis et méconnu dans l’hexagone. L’édition française du « Monde s’effondre », initialement publié à Londres en 1958, semble actuellement difficile à trouver en librairie. Par chance, je l’avais acquise au musée Dapper lors d’une précédente visite.
L’histoire d’Okonkwo s’enracine dans la société traditionnelle d’un village ibo, Umuofia; plusieurs séquences décrivent les usages familiaux, les cultes locaux, les conflits entre clans, une activité agricole dominée par la production des ignames qui est l’affaire des hommes. Le rôle des Anciens ou ndichi! est prépondérant pour déterminer les choix de la communauté. La Forêt maudite, l’Oracle des Collines et des Grottes, l’apparition des masques donnent lieu à des chapitres à la dimension ethnologique certaine.
La vie d’Okonkwo bascule lors des obsèques d’un vieil homme : il est d’usage de tirer des coups de fusils pour faciliter le passage dans le monde des morts; or son fusil éclate et tue un jeune homme. La coutume commande qu’Okonkwo s’exile avec sa famille pour une durée de sept ans tandis que son obi et les cases de ses femmes sont incendiés, et ses biens partagés entre ses amis. Mais ceci n’est encore que la première phase de l’effondrement de son monde. Et jusqu’à ce moment on ne saurait situer l’action dans l’Histoire. L’arrivée des missionnaires anglicans, pourfendeurs des cultes indigènes, et s’opposant à nombre de pratiques traditionnelles comme l’élimination des jumeaux dès leur naissance provoque de nouveaux drames. Un premier blanc est tué et les troupes détruisent tout un village jugé responsable. L’église de la petite communauté chrétienne naissante, dont le fils d’Okongwo fait partie, est à son tour réduite en cendres sur ordre des Anciens. À peine revenu d’exil, Okongwo se retrouve en prison…
Le monde traditionnel s’effondre sans que soit portée une accusation directe et argumentée contre la colonisation. Certes il est fait allusion à la reine qui gouverne la puissance lointaine dont proviennent les missionnaires, mais l’auteur n’exprime que la fureur des autochtones à l’endroit des pasteurs, soulignant bien le choc culturel et l’incompréhension réciproque.
Ce roman est une initiation pour un lecteur français. On doit le recommander chaudement pour son sujet, comme un classique aussi, un devancier de l’école littéraire actuelle du Nigeria.