Critique par Véro – Choc des cultures
Un cimetière comme lieu de rencontre, on a sans doute fait beaucoup mieux. Et pourtant, c’est bien au milieu des tombes que Désirée et Benny se côtoient. Elle, bibliothécaire, vient régulièrement sur la tombe de son défunt mari tenter de susciter un chagrin de circonstance. En fait elle lui en veut de l’avoir lâchée et de n’avoir pas fait assez attention sur son vélo si bien qu’il a été fauché par un camion.
Lui, agriculteur solitaire dans une ferme reculée, agrémente fidèlement la stèle de ses parents de si nombreuses plantations qu’on dirait une pépinière.
Tout les sépare, à commencer par les sépultures respectives jusqu’à leurs modes de vie. Désirée trouve celle de son voisin d’un kitch tape-à-l’œil affligeant voire d’un goût vulgaire, tout comme lui d’ailleurs. De son côté, Benny ne peut pas « blairer » la voisine, la trouvant à l’image de la froideur de la tombe de son époux, décolorée comme une vieille photo couleur, tout à l’opposé des femmes qu’il aime.
Puis, un concours de circonstance fait se croiser leurs sourires et comme un arc de lumière qui surgit entre eux, tout bascule.
Pour elle, il lui est « impossible de décrire ce sourire-là. Dedans, il y avait du soleil, des fraises des bois, des gazouillis d’oiseaux et des reflets sur un lac de montagne. » Son ventre se met à battre la chamade. « L’ovule se met à frétiller en moi, à bondir, à clapoter, à faire des sauts périlleux et à envoyer des signaux : « Par ici ! Par ici ! » J’eus envie de lui crier : « Assis, pas bouger ! »
Pour lui, le sourire de Désirée évoque une gamine en vacances, ou un môme devant son premier vélo.
Ainsi commence une relation pleine d’embûches confrontant des styles de vie diamétralement opposés. Aucun des deux n’est prêt à lâcher un peu de lest concernant ses certitudes culturelles et sociales. Leurs joutes sont croustillantes de déterminisme, leurs conversations impossibles. Pourtant, ils ont bien du mal à se passer l’un de l’autre malgré l’incompatibilité de niveau de vie.
C’est un livre jubilatoire sur la collision des cultures. Un roman à deux voix nous faisant pénétrer avec allégresse l’intimité des deux personnages qui doivent composer entre leurs pulsions et la raison. Le texte est une succession de métaphores hilarantes et finement amenées qui m’ont bien souvent fait pouffer de rire. Juste quelques rares propos de la part de Benny m’ont paru un peu trop érudits.
L’auteure porte un regard vif et précis sur certaines barrières sociales et culturelles sur un ton badin empli néanmoins de beaucoup de tendresse.
Ce livre a eu un succès extraordinaire en Suède : comme je le comprends ! Entre le rire, le côté fleur bleue et le choc culturel, j’ai vraiment craqué aussi.
(Un détail supplémentaire : ce livre est le fruit des éditions Gaïa qui ont la particularité d’imprimer leurs textes sur des pages rose saumon. Cela a réellement pour effet de rendre la lecture très apaisante. Que du bonheur !)
Critique par Cuné – B + D = A
A ma droite, Benny, 37 ans, qui vit seul avec ses vingt-quatre vaches (et quelques moutons) dans l’exploitation familiale. Pas qu’il ait vraiment la vocation ni le profil type du fermier suédois, mais il s’est décidé une nuit d’été quand il a vu sa mère sous le grand sorbier dans la cour, le bras autour du tronc et les yeux rivés sur les terres. Il ne pouvait pas abandonner tout ça, simplement.
A ma gauche, Désirée, 35 ans, bibliothécaire en charge de la section jeunesse, en passe de devenir femme de Carrière avec Centre d’intérêts Culturels. Trois C, on aurait pu y ajouter deux autres pour Complètement Conne, dit-elle.
Début du combat.
Benny s’occupe régulièrement de la tombe de sa mère, vaincue par le cancer, Désirée va chercher l’affliction qu’elle aimerait pouvoir ressentir sur celle de son défunt mari, fauché à vélo.
Ils se regardent sans aménité du coin de l’œil, au cimetière, mais un jour un sourire partagé produit un arc de lumière bleue pendant trois heures, ou trois secondes. Ca c’est selon Désirée, Benny lui, voit un sourire de gamine en vacances.
Badaboum, le sort en est jeté, B + D = A (lchimie inexplicable.)
Elle, rien qu’à l’évoquer, elle a les ovaires qui s’agitent comme des fous. Lui, il aime même quand elle a ses règles, parce que ça fait très intime, ça dégage un bien-être confortable, l’élève au statut de permanent.
Mais, mais, mais.
Ils n’ont rien en commun.
Et pour jeter des passerelles au dessus des ravins, il faut être en phase…
Formidable, réjouissant, actuel, moderne, intemporel, drôle, tendre, émouvant, léger mais loin d’être creux, je n’en jette plus, mais le cœur y est. J’ai savouré chaque instant de ma lecture, parce qu’il n’y a rien à écarter dans ce roman, on suit nos deux tourtereaux avec une grande tendresse et on voudrait vraiment bien que… malgré…
J’espère pouvoir lire d’autres traductions de Katarina Mazetti très vite !!