Vernon Subutex – 3 – Virginie Despentes

Critique par Sibylline – Quel plaisir de l’entendre dire ces choses !

« Kiko, t’as encore écouté France Culture ? Arrête. On te l’a déjà dit. Ça se mélange super mal avec la cocaïne. »

Dans mon commentaire du tome 2, je prévoyais que le T3 serait « bien plus rugueux et bien plus dur ». On peut dire que je ne me trompais pas. Je me plaignais aussi d’avoir dû attendre 6 mois entre le T1 et le T2, mais là, je ne connaissais pas mon bonheur : il a fallu attendre deux ans, cette fois-ci ! Deux ans, Virginie ! T’es sérieuse, là ?

Toujours est-il que j’étais contente de retrouver Vernon Subutex. J’avais vraiment envie de savoir ce que tout cela devenait et hâte de retrouver la vision du monde de Virginie Despentes. J’avais peur d’avoir oublié trop de choses pour bien en profiter, mais non, avec l’aide du générique de départ, on y arrive bien.

Vernon et ses amis se sont organisé une vie sans contrainte qui n’est pas sans évoquer les communautés hippies de l’âge d’or du mouvement. Ils vivent de ce que leur rapportent les séances au cours desquelles Vernon mixe une musique dont il tire des mélanges si étonnants qu’ils emportent toute l’assistance dans un trip sans produits… Ils sont heureux ainsi, loin de tout et de tous, en particulier de Dopalet qui est loin d’avoir digéré ce qui lui est arrivé dans le tome 2. Mais voilà que le vieux Charles meurt, et Charles avait gagné un magot colossal à la loterie, dont il n’avait parlé à personne et qu’il utilisait peu ou pas. Et Charles leur a légué beaucoup d’argent…

Voilà la situation de départ de cette fin de trilogie, je vous laisse découvrir comment tout cela évoluera. Mais surtout, je vous laisse retrouver encore une fois la jubilatoire peinture de société faite par V. Despentes. Quel plaisir de l’entendre dire ces choses ! Le paysage littéraire français a bien besoin d’elle. Il y a dans ces pages des morceaux de bravoure qu’on voudrait recopier et diffuser. Des tirades si justes, des dialogues si frappants ; sans parler de l’empathie si forte avec laquelle elle habite tous ses personnages, bons ou mauvais.

On a dit du mal de ce dernier volet des aventures de Vernon Subutex parce que les gens adorent brûler ce qu’ils ont encensé. Il n’y a pas qu’à Despentes que cela arrive, les exemples sont nombreux, vous n’aurez pas de mal à en trouver. Je ne partage pas du tout ces avis.

On lui a reproché une fin trop rapide, mais le drame est rapide. Après, on y repense longtemps, ressassant combien tout a tenu à une seconde et aurait pu se passer autrement, mais le drame lui-même survient comme un éclair. Demandez aux survivants des attentats terroristes (puisque tout le tome est sous le signe de ces attentats) si la minute d’avant tout n’était pas sans histoire pour que juste après, tout soit fini, sans qu’il y ait rien à ajouter. Oui, la fin peut être rapide, cela n’a rien d’incohérent et je n’ai absolument pas eu l’impression qu’elle était « bâclée ». Très bien, au contraire.

Critique par Le Bouquineur – Fresque sociologique et politique de notre société

Enfin ! Je commençais à m’impatienter, après deux volumes parus dans la foulée, ce troisième tome de la trilogie nous aura fait attendre deux ans. Je craignais que ce soit rédhibitoire mais Virginie Despentes s’en sort haut-la-main.

Alors que dire de ce dernier épisode ? Les deux précédents sont chroniqués ici et celui-ci s’inscrit dans la lignée des autres. Une intrigue qui tient la route – errances de Vernon à travers la France, faux guru et gentil DJ, sa clique excentrique et marginale etc. – mais qui n’est en fait qu’un prétexte pour peindre une fresque sociologique et politique de notre société. Je ne reviens pas sur la comparaison avec La Comédie humaine de Balzac…blablabla… ni tout ce que j’ai déjà dit du tome 2 car on retrouve tout les éléments dans cet ultime jet. Despentes excelle à croquer les petites gens et les exclus/marginaux de nos sociétés tout en ayant une profonde empathie pour ses personnages, même s’ils ne sont pas toujours fréquentables. Personnages très réussis, mais les situations et les microcosmes sociaux ne le sont pas moins, tous semblent familiers à l’auteur et sont pleins de vérité.

Quant au fond, le portrait ou plutôt la fresque de la société française d’aujourd’hui (attentat du Bataclan inclus), il prouve que Despentes à un regard acéré, dur et lucide sur le monde dans lequel nous vivons. N’hésitant pas à faire dire à ses acteurs ce que beaucoup pensent tout bas, ou tout haut et ça fait mal à lire mais c’est hélas le reflet d’une vérité actuelle (racisme, islamisme, féminisme, machisme etc.) Despentes met les pieds dans le plat. Tous les sujets sociétaux sont abordés, par petites touches : on croit lire un roman léger (et très bien écrit) par son ton mais nous sommes en présence d’un bouquin lourd de sens. Le lecteur n’est pas obligé d’être d’accord avec tout ce qui y est dit, mais tout ce qui y est dit s’entend dans les bistros et sur les marchés.

En toile de fond de ce roman nous retrouvons la culture rock chère à l’écrivain et le name dropping (noms d’artistes et de marques) qui reste un marqueur fort de son époque.

Un très bon roman dont même l’épilogue, futuriste et extravagant, est réussi.

« C’est le monde maintenant. Il est devenu comme ça. Dès qu’on entend une sirène de pompier, on ouvre son fil d’actualité juste pour vérifier qu’il ne se passe rien de grave. Léonard est soulagé, lorsqu’il ouvre Twitter, de voir que les gens ne sont pas en train de parler d’un truc atroce qui vient juste d’arriver. On vit avec l’idée qu’il peut se passer quelque chose de grave. On prend les transports en commun, on se met en terrasse pour fumer une clope, on va voir un concert. On va danser. Et on sait désormais que parfois, on ne reviendra jamais chez soi. »

Antoine
Antoine
Passionné de livre depuis mon plus jeune âge, je vous propose de partager cette passion de la Plume sur ce site internet.
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