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Critique par Sibylline – Parfait!
Comme vous le savez, j’aime Zola et j’estime beaucoup ses romans. Cela n’empêche pas que, dans cette adhésion générale, j’aie mes préférés et « La terre » trône dans les premiers de ce Parnasse. Ce roman est parfait! Parfait, le mot n’est pas trop fort, et pas seulement d’un point de vue littéraire, mais également pour ce qui est de l’intérêt du lecteur qui suivra, scotché les péripéties de plus en plus meurtrières de cette histoire de territoire. Si Stephen King avait rencontré Émile, il n’aurait rien eu à lui apprendre pour le crescendo criminel, le second au contraire aurait pu en remontrer au premier pour ce qui est de la profondeur psychologique de tous les personnages, les petits comme ceux du premier plan.
On ne s’en aperçoit pas tout de suite car d’autres personnages plus hauts en couleur, plus forts en gueule et aux appétits plus violents, Les Fouan, occupent le devant de la scène, mais ce volume est celui de Jean Macquart, le fils d’Antoine Macquart qui se faisait menuisier dans « la Fortune des Rougon ». Jean, c’est l’exception, c’est LE Macquart sain et équilibré (on voudrait dire normal). Après le travail du bois, il avait tâté de l’armée et des combats, cela ne l’avait pas retenu non plus et lui, plutôt citadin quoique bien apte à tout travail physique, tente ici de s’intégrer au monde paysan, nous verrons avec quel résultat.
Avec cette page des Rougon-Macquart, Zola observe et peint le monde paysan, révélant ce qui le lie de façon viscérale à la terre à laquelle est unie sa vie. Et cet amour est une passion dévorante et féroce qui n’a honte de rien, ne recule devant rien et ne tolère, quoi qu’on fasse, aucun corps étranger. C’est cela que l’auteur a choisi de nous montrer ici. Il commence assez fort (pour l’époque) par une saillie bovine qui donne tout de suite le ton et atteste la vigueur animale de ce monde qui ne nie jamais la force de cette «nature» qui régit végétaux, bêtes et hommes. Zola nous montre l’amour qui est soit alliance, soit pulsion bestiale, il nous montre les naissances humaines liées à celles du bétail, le plus souvent sans intervention du médecin ou du vétérinaire tous deux jugés trop chers. Et la mort des hommes et femmes qui tombent comme des bêtes au travail ou comme elles encore agonisent sur un coin de paillasse. Et contre la brutalité de cette grande passion entre le paysan et la terre, il n’y a rien à faire, ni la religion respectée seulement dans ses cérémonials, ni la politique dont les finesses ne prévalent jamais sur l’exigence de stabilité foncière, ni les attraits de la bourse, ni ceux, je n’en parle même pas, des sentiments qu’ils soient amoureux ou familiaux. La terre est tout; et stable, enracinée, elle se méfie de toute nouveauté, tout changement. La cupidité foncière prévaut sur tout autre moteur et gare à qui veut l’ignorer, il risque gros.
Ce quinzième volume de la célèbre série qui saisit encore aujourd’hui par sa violence, sa puissance, son ampleur et son souffle s’est taillé à sa sortie un joli petit succès de scandale, comme vous l’imaginez bien. Certains romanciers se sont même offert la gloire (la honte?) de publier dans Le Figaro un insultant « Manifeste des cinq » traitant Zola de fou. Ils sont aujourd’hui bien peu lus et Émile lui, impérial, règne toujours grâce en particulier à cette «Terre», un des plus beaux fleurons des Rougon-Macquart.
Critique par Dominique – Epouvantable et magnifique
J’arrive au bout de ma lecture des Rougon Macquart et « La terre » sera celui qui m’a fait l’impression la plus forte avec autrefois « Germinal ».
Le lien avec le cycle des Rougon c’est Jean Macquart le frère de Gervaise, il est ouvrier agricole chez Hourdequin un riche exploitant de la Beauce qui voudrait rénover les pratiques agricoles et qui se heurte au refus de ses journaliers.
L’autre versant familial ce sont les Fouan, ils vivent à Rognes un petit village
« Cette Beauce plate, fertile, d’une culture aisée, mais demandant un effort continu »
Le vieux Fouan décide de donner ses terres en partage à ses enfants : Fanny, Buteau le coureur de jupons et Jésus-Christ, alcoolique champion de la mauvaise foi et de la couardise, en échange d’une rente versée par chacun des enfants et de l’hébergement.
Un partage qui ne satisfait personne, les enfants se sentant spoliés par cette rente qui peut durer des années, chacun estimant l’autre avantagé par le partage.
Avarice, brutalité, cruauté, avidité deviennent le quotidien entre les enfants et cela dûment arbitré pour son plus grand intérêt par le notaire local Maître Baillehache (ah ce nom !)
C’est Buteau qui le premier refuse de verser la rente, par ailleurs il poursuit de ses assiduités Françoise une cousine devenue riche alors qu’il est marié à Lise.
Françoise se rapproche de Jean Macquart au grand dam de la famille.
On va au fil du temps voir les manœuvres, les magouilles, les mensonges fleurir pour s’approprier le plus possible de terres et respecter le moins possible l’engagement pris. C’est la montée de la haine entre tous les protagonistes, haine et avidité vont conduire au meurtre balayant tout semblant de morale et de liens familiaux.
Livre épouvantable et magnifique pour lequel le travail de recherche de Zola paie au centuple.
Caricature ? oui sans doute mais réalisme aussi à une époque où le problème de l’héritage des terres était très prégnant, si Zola force le trait, en même temps il brosse en un tableau proche du réel le temps où pour survivre il fallait une bonne terre et où l’on était prêt à tout pour cela. Le roman montre bien aussi l’avènement de la mécanique dans l’univers agricole. L’époque où la voix des femmes était inexistante.
C’est un roman très dur mais que j’ai aimé.
Il me reste deux lectures pour clore mon cycle Zola : « Le rêve » et « le Dr Pascal »
Critique par Karine – Ce roman dégoûte de l’homme !
Ok. Je ne déteste pas souffrir un peu en lisant un roman. Mais là, disons que ce roman a dépassé les bornes. Il m’a fait HURLER. Et rager. J’ai tellement haï les personnages (Buteau, Buteau… tu hanteras mes cauchemars pour longtemps), vous ne pouvez même pas vous imaginer. Il parait que ce tome était le préféré de Zola… mettons qu’on n’a pas les mêmes goûts. Même si je reconnais que le portrait des paysans à l’époque doit être intéressant et que la dualité « qualité de vie de ouvriers / qualité de vie des paysans » fait réfléchir, je pense que j’étais beaucoup énervée et enragée pour apprécier quoi que ce soit à sa juste valeur. Certes, il y a un chapitre presque complet qui décrit des pets, et certains personnages fous. Mais ce roman dégoûte de l’homme voilà. Rien de moins.
Nous sommes à Rognes, en Beauce. Il y a certes un Macquart, Jean, fils d’Antoine Macquart. Étonnamment, il est sain d’esprit. Les autres paysans, toutefois… oh boy… Ils sont plus bestiaux que leurs animaux, vénèrent la Terre (avec une majuscule) et sont prêts à tout pour la posséder. Tout. Vraiment tout.
Au centre de l’histoire, les Fouan. Au début du roman, le Père Fouan décide de faire le partage de ses biens avant sa mort, afin de donner plus tôt leur héritage à ses enfants et éviter de louer la terre à des « étrangers ». Et ses enfants… quels enfants. On parle de famille, de famille… mais sérieusement, ce sont davantage les biens qui comptent que les gens… parce que l’attitude des enfants envers leur père qui DONNE quelque chose… c’est incompréhensible pour moi. Et ça m’a enragée, vous pouvez pas savoir. À toutes les fois que je lisais « ce vieux, il coûte… »… je pitchais le livre au bout de mes bras.
On pourrait aussi parler de l’attitude des hommes envers les femmes… ok, il faut remettre en contexte mais arghhhhh!!! C’est juste too much pour moi. Celui-là est très « cul », très violent… et sérieusement, les accouplements des animaux sont plus romantiques que les leurs. Il n’y a aucun personnage pour rattraper l’autre. Tous sont envieux, égoïstes, méchants… bref, je ne peux pas dire que j’aie eu du plaisir à lire le roman. Une chance que je n’ai pas commencé par ça!
Et Buteau… Buteau… le dernier des fils Fouan est le personnage le plus pervers, le plus méchant, le plus exécrable que j’ai jamais lu de ma vie, tout en étant persuadé d’être dans son bon droit. Aucun sentiment, aucune compassion, aucune humanité. Il fait ses coups bas au vu et au su de tous, sans que personne ne puisse y faire quoi que ce soit.. je l’ai exécré. Et que dire de sa femme… Bref, cette lecture m’a plongée dans une horreur sans nom. Too much. Vraiment too much.
Du coup, je prends une vraie pause de Zola. C’est le PIRE à date question histoire horrible. Le pire du pire. Bref, j’ai pas vraiment aimé. C’est sale, répugnant, malhonnête… mais ça fait réagir, aucun doute là-dessus! Que voulez-vous, je suis une petite nature!!