Mansfield Park – Jane Austen

Critique par Sibylline – Vive l’odieuse tante Norris !

Edité en 1814, ce livre est le troisième roman publié de Jane Austen bien que, pour ce qui est de l’écriture, il est difficile de dire s’il ne fut pas au moins en partie écrit en même temps que Orgueil et préjugés.

Je vais essayer de vous situer l’action de «Mansfield Park» à gros traits :
Fanny, née dans une famille «dans la gêne» du fait du malencontreux mariage de sa mère est quasi adoptée par sa tante et son oncle alors qu’elle est encore enfant et c’est donc dans un milieu aisé et même «en vue» qu’elle grandira et recevra une éducation qui surpassera même celle des véritables filles du couple Bertram.
Nous trouvons également dans cette famille l’excellent personnage de Mme Norris, autre sœur de Mme Bertram, elle aussi assez pauvre du fait d’un mariage médiocre suivi de veuvage et qui s’est établie auprès de sa fortunée sœur comme dame de compagnie. Elle se charge volontiers de veiller sur la bonne marche de la maison si tant est que l’on juge que la marche qu’elle impose soit bonne. Cette tante Norris est peut-être le personnage le plus réussi du roman et l’on ne peut qu’admirer la rapacité féroce de cette femme qui est trop proche des classes inférieures pour ne pas tenir absolument à s’en démarquer par une attitude hautaine et impitoyable. Le personnage a une réelle épaisseur. On sait ce qui a fait d’elle ce qu’elle est et on peut comprendre que cette attitude la défend d’être un parasite comme les autres, comme l’est Fanny d’ailleurs, d’une certaine façon. Tout autant, on essaie de comprendre pourquoi les Bertram l’entretiennent dans leur entourage proche sans jamais lui reprocher, même entre eux, les petites ponctions qu’elle s’autorise sans cesse sur leur bien et d’ailleurs sur tout bien passant à sa portée. Elle doit donc bien avoir son rôle social et l’on réalise vite que c’est celui de «zone tampon». Elle est le chien de garde, le dogue servile avec ses maîtres et qui, moyennant pitance les protègera eux et leurs possessions, leur position, de la moindre attaque du moindre danger. Elle affirmera grossièrement haut et fort ce que leur propre rapacité policée et muette exige. Elle est le personnage outrancier, elle est avare, mesquine, elle est haïssable et elle est ridicule. On la déteste et on la moque. Le lecteur souhaite sa perte, bref, elle est parfaite.

Dans ce roman d’ailleurs, j’ai trouvé que Jane Austen, bien involontairement sans doute, avait donné bien plus de vie à ses «méchants» qu’à ses gentils. Car à côté d’eux, nous avons des «gentils» qui sont tout de même d’une énorme fadeur. L’héroïne Fanny est un parangon de vertu et ne se trouvant elle-même jamais assez conventionnelle, regarde avec horreur la moindre percée d’autrui en dehors des sentiers battus. Pour vous donner une idée de sa folle exubérance, je cite, alors qu’elle va à son premier bal : « Jamais de sa vie elle n’avait été dans un état qui fut si proche de la gaieté. » No comment.
Cette sainte nitouche est amoureuse du tiède et médiocre Edmond qui est bien exactement son pendant masculin et lorsque leur deux petites auréoles s’entrechoquent, ça ne fait même pas d’étincelle.
Après des centaines de pages, J.Austen constatant qu’il lui en faudrait encore bien trop si elle continue sur ce rythme, nous expédie la happy end en quelques dizaines de pages qui laissent le lecteur qui s’est habitué au train de sénateur, un peu désemparé.
Bref, pas mon roman préféré.Je l’ai bien moins aimé qu’Orgueil et Préjugés.

Critique par Chiffonnette – Thés et petits fours

« Voici une trentaine d’années, mademoiselle Maria Ward de Huntington fut assez heureuse pour captiver avec sept mille livres de rente comme seule fortune, le coeur de Sir Thomas Bertram de Mansfield Park, dans le comté de Northampton, et se hausser ainsi jusqu’au rang de femme de baronnet, acquérant de surcroît tout le bien-être et les avantages matériels qu’offrent une belle maison et un revenu considérable. » Mais ses soeurs ne purent faire d’aussi beaux mariages. Mademoiselle Ward épousa le pasteur Norris, et la plus jeune, Frances épousa pour désobliger sa famille un officier de marine, rompant tout lien avec ses soeurs et sombrant dans la misère avec ses nombreux enfants dont elle était bien incapable de s’occuper. Une bonne dizaine d’années plus tard, la famille Bertram et la tante Norris décident dans leur infinie bonté d’accueillir la fille aînée de Frances, Fanny, à Mansfield Park pour l’éduquer et l’entretenir. C’est le début de la fin de la tranquillité et le vrai début de folles aventures.

Du Jane et du bon! Je ne suis certes pas très objective tant j’aime cette grande dame et ses oeuvres, mais c’est quand même du grand art! On retrouve dans ce gros roman les répliques assassines, les portraits au vitriol, la méchanceté soigneusement dissimulée des uns envers les autres, les multiples rebondissements, les thés et les bals. Il faut « voir » la Norris, confite de bêtise et d’orgueil, lady Bertram et son indolence, les Crawford et leur ambition! Et la pauvre et douce Fanny au milieu de tout cela, avec son sens moral sans faille et sa profonde gentillesse, coincée par les attentions importunes de son soupirant au point de se mettre en colère. J’ai beaucoup fait rire ma colocataire avec mes exclamations (« l’enfoirée de tante Norris », « mais crétin, elle est amoureuse de toi, ouvre les yeux »), puis je me suis tue. Ca faisait mauvais genre dans l’avion! Bon, il est vrai que Fanny est un peu plus cruche que la moyenne des héroïnes de Jane Austen, le fils de la famille un peu benêt, mais le plaisir reste intact.

Reste l’infini talent de cette plume et le bonheur de s’enfoncer dans cet univers comme dans un bon oreiller de plume, le tout avec une bonne tasse de thé.

Critique par Morwenna – Sombre et réaliste

Mansfield Park ( = MP pour la suite) est loin de faire l’unanimité chez les aficionados de Jane Austen. En le lisant, j’ai compris pourquoi… sans pour autant rejeter ce roman, qui m’a beaucoup plu quand même.

En fait, MP est un roman beaucoup plus sombre, plus réaliste que les autres. Il est très dense, touffu, il fourmille de détails et est empreint d’une certaine mélancolie, loin de l’humour léger, pétillant d' »Orgeuil et préjugés ».

Oh, attention, l’humour est quand même présent, mais moins fréquent. Il est également plus implicite, et repose souvent sur une description, un personnage, une situation. En effet, Jane Austen se lâche, et personne n’est épargné, pas même l’héroïne. Loin d’être une simple histoire d’amour, comme pourrait le laisser entendre le résumé, ce livre est aussi une vraie satire sociale…comme toujours chez l’auteur!

Quant aux protagonistes, c’est sûrement là que le bât blesse la plupart des lecteurs. Les personnages principaux sont moins « vivants » que dans d’autres oeuvres. L’héroïne n’a pas la vivacité d’une Lizzie, ni franchement un esprit spirituel; c’est une jeune fille douce et sensible, délicate, presque effacée. Le héros, lui, peut déranger par son côté un peu moralisateur et son aveuglement. Cependant, la tendre Fanny a réussi à m’émouvoir et à me toucher.

Enfin, MP m’a tenue en haleine jusqu’au bout: l’issue demeure incertaine et le fin mot de l’histoire n’est dévoilé que dans les dernières pages… Chose rare chez Jane Austen, où l’on devine en général aisément la fin, l’essentiel n’étant pas le dénouement pas la façon dont elle nous y amène.

Au final, un très bon roman, malgré un début un peu long et une fin, elle, que j’ai trouvée quelque peu expédiée. MP n’est pas mon Austen préféré mais il m’a assurément fait passer un excellent moment.

Critique par Karine – Séduite!

Résumé

Fanny Price a été accueillie à Mansfield Park par son oncle et sa tante alors qu’elle avait 10 ans, ceux-ci souhaitant rendre service à sa mère qui, ayant fait un imprudent mariage, avait de la difficulté à faire vivre sa nombreuse famille. Elle grandit donc auprès de ses deux cousines – Maria et Julia – et ses deux cousins – Tom et Edmund – tout en étant toujours traitée comme une parente inférieure par tous à l’exception d’Edmund. La très vertueuse Fanny voit bientôt ses sentiments pour Edmund passer de la simple affection à l’amour mais l’arrivée à Mansfield de Miss Crawford – de laquelle s’éprendra Edmund – et de son frère viendra causer beaucoup d’émois aux habitants de Mansfield Park.

Commentaire

Je dois préciser au départ que j’ai beaucoup apprécié ma lecture, principalement parce que j’accroche toujours au style de Jane Austen. Je le placerais en fait juste un peu en dessous de « Raison et sentiments » dans mon échelle d’appréciation des œuvres d’Austen. J’ai aimé la narration, la façon dont la société anglaise de l’époque est dépeinte, les jeux de pouvoir et les situations impossibles dans lesquelles les personnages se trouvent, étant prisonniers de leurs relations ou encore de leur fortune et statut social. C’est une autre époque, d’autre mœurs et, chaque fois, je suis immédiatement transportée au beau milieu de cette époque révolue et désuète.

J’ai aussi particulièrement apprécié le fait que les mauvais aient aussi des qualités et soient, en quelque sorte, presque récupérables malgré leur travers et leurs défauts. Je ne suis pas capable de détester Mr. Crawford – en fait, je l’aime bien… je sais, des fois, je suis étrange! – et même Miss Crawford ne m’est pas complètement hostile. Pour cette dernière, le fait qu’elle souhaite presque le décès du frère aîné pour qu’Edmund soit ainsi en possession du titre ne plaide pas en sa faveur, j’avoue!!! Mais je ne peux la trouver vraiment détestable.

L’héroïne, Fanny Price, aurait pu me déplaire par son excès de bonté et de perfection, si ce n’avait été des passages où elle empire – selon moi – les torts de Miss Crawford. Comme ces sentiments ressemblent presque à de la jalousie, elle devient moins parfaite à mes yeux et donc, moins antipathique!!! (Oups, à me relire, je réalise que j’ai de la difficulté avec les personnages trop parfaits!!! ) J’avoue que j’ai parfois eu le goût de la secouer et que j’ai vraiment eu de la difficulté à comprendre son aversion pour le théâtre par contre (ok, je sais, faut se remettre dans l’esprit de l’époque et se rappeler tous les usages et les inconvenances possibles). Quant à Edmund, il manque définitivement de sexytude!!!! Mais que voulez-vous, ils ne peuvent pas tous être aussi bien que Darcy, n’est-ce pas!!!

Sans trop en dire, je vais toutefois mentionner que la fin n’est pas celle que j’aurais souhaitée et que je suis bien contente des quelques petites phrases qu’Austen a glissées en précisant ce qui aurait aussi pu arriver. Somme toutes, une bien jolie lecture, que j’ai appréciée et qui m’a tenue éveillée une bonne partie de la nuit!!! Ce doit bien être parce que ça m’intéressait un peu, n’est-ce pas!

Critique par Lou – En poussant les grilles de Mansfield Park

« Mansfield Park » est un roman un peu particulier pour moi qui apprécie énormément Jane Austen. C’est le seul que j’aie jamais abandonné en cours de route : peu après avoir dévoré « Northanger Abbey », mon tout premier Austen, j’ai eu envie de poursuivre avec un roman plus dense et me suis plongée avec empressement dans « Mansfield Park », que j’ai ensuite abandonné au bout d’une centaine de pages. Malgré mes coups de cœur successifs pour tous les autres textes d’Austen lus depuis, je craignais d’apprécier un peu moins ce roman réputé difficile et qui est loin de faire l’unanimité. Et lorsque je l’ai laissé de côté arrivée à la moitié il y a bien six mois, j’ai fini par me dire que j’étais partie pour un nouvel abandon. J’ai finalement eu envie de reprendre ma lecture il y a deux semaines, alors que j’ai enfin retrouvé un peu de temps libre, et bien m’en a pris, car j’ai dévoré les quelques 200 pages qu’il me restait à lire.

Fanny Price est issue d’un milieu plutôt modeste. Sa mère a fait un mariage d’amour dont elle se repent peut-être, sa situation matérielle étant loin d’être confortable. C’est alors que la famille maternelle propose d’élever la petite Fanny. Si sa tante Mrs Norris semble avoir une idée bien arrêtée sur la question et décide de tout, ce sont finalement les Bertram qui accueilleront la petite sous leur toit, Mrs Norris étant bien plus apte à prodiguer des conseils qu’à se rendre elle-même d’une quelconque utilité (tout effort de sa part relevant à ses yeux du sacrifice le plus absolu, le don de chaque objet miteux étant pour elle une preuve de son immense générosité, à étaler devant toute la galerie sans modération).

La petite Fanny est sans surprise un peu perdue : loin de sa famille et, surtout, de son frère William, l’enfant se retrouve dans une immense propriété bien différente de tout ce qu’elle a connu jusque-là. Ses cousines et le plus âgé des cousins sont informés de leur différence de statut social et ne deviennent pas ses compagnons de jeu, Sir Bertram est beaucoup trop sévère pour susciter son affection, Lady Bertram vit dans un monde bien à elle et ne s’occupe que de son propre confort, tandis que Mrs Norris passe son temps à rappeler à Fanny combien elle doit à son oncle et ses tantes pour leur immense générosité, tout en la rabrouant constamment de manière à ne pas lui faire oublier son statut social. Heureusement, Fanny trouve un ami en la personne de son cousin Edmund.
La situation change peu lorsque Fanny grandit. On lui a appris à considérer ses jolies cousines comme ses supérieures ; elle craint Sir Bertram et passe son temps à assister Lady Bertram pour qui la moindre activité est une source de fatigue inimaginable. Le temps ayant fait son œuvre, Fanny est tombée amoureuse d’Edmund, son allié de longue date à Mansfield Park.

Une petite tornade vient bouleverser leur univers lorsque, en l’absence de Sir Thomas parti à Antigua pour la gestion de ses affaires, Henry Crawford et sa sœur Mary viennent rendre visite à leur famille au presbytère adjacent. Henry courtise les cousines de Fanny, en particulier l’aînée, déjà fiancée, tandis qu’Edmund tombe sous le charme de la pétillante et légère Mary. En retrait du petit groupe, Fanny observe les nouveaux venus avec un œil critique : elle est la seule à voir en ces deux jeunes gens des arrivistes à la morale douteuse.

Ce roman est passionnant, c’est pourtant à mon avis roman exigeant, qui se mérite, dans le sens où il n’est pas facile de l’apprivoiser et de le faire sien. Plus austère que les pétillants « Pride and Prejudice » ou « Northanger Abbey », habité de héros un peu ternes, Mansfield Park est quelque peu moralisateur : les Crawford, hauts en couleur, sont peu recommandables (alors que par certains aspects, Mary n’est pas sans rappeler Elizabeth Bennet) ; la ville est néfaste, laide, vicieuse, et s’oppose à la pureté et à la beauté de la campagne ; Fanny est plus intègre, plus respectueuse de certaines valeurs car elle a été élevée plus sévèrement, dans un constant rappel de sa basse extraction ; de nombreuses discussions se multiplient au sujet de la profession de pasteur, Edmund voulant porter l’habit et étant appuyé en ce sens par ses proches, tandis que la fougueuse Mary traite avec légèreté et condescendance la profession.

La galerie de personnages est, comme toujours chez Austen, très réussie. Bien entendu on s’attache facilement au cousin Edmund et, pour ma part, j’ai beaucoup apprécié Fanny, certes extrêmement raisonnable, douce, docile (à peu près mon contraire!) mais dont le comportement m’a paru cohérent avec sa situation : vivant dans un petit cercle qui lui a toujours rappelé qu’elle n’était là qu’une invitée et guidée par son cousin Edmund qui a partagé avec elle des principes religieux et moraux stricts, elle réagit en conformité avec ses convictions, avec la liberté qui lui est laissée ou dont elle pense pouvoir profiter. Les Crawford sont bien saisis et parviennent à se rendre attachants en dépit de leurs innombrables faiblesses. Seule la tante Norris est insupportable du début à la fin, mais sa mesquinerie est si bien rendue à l’aide de remarques acerbes que l’on finit par apprécier ses apparitions, qui personnellement savaient m’irriter au plus haut point. Citons encore Sir Bertram, qui éduque ses enfants comme il administre ses biens, finançant puis revenant au bout d’un certain temps pour faire le tour des performances des uns et des autres. Sans être mauvais, Sir Bertram ne parvient pas à voir que ce qui a manqué à ses enfants, c’est l’affection, et non seulement l’absence de principes moraux comme il le pense. Au final, son investissement au départ désintéressé lui rapporte, puisque Fanny devient une fille aimante et attentionnée.

Je ne recommanderais pas ce livre pour découvrir Jane Austen, mais à tous ceux qui l’apprécient déjà, il serait vraiment dommage de ne pas pousser les portes de Mansfield Park.

Critique par Philisine Cave – Chaque détail compte

Mansfield Park débute par la revisite du conte de Cendrillon. Le couple Bertram fortuné et doté de quatre enfants pas tous subtils se décide à un acte charitable, en assurant l’éducation d’une nièce désargentée et surtout aînée d’une fratrie conséquente, Fanny Price, en la recueillant dans leur âtre manquant singulièrement de chaleur -humaine-. Subissant à son arrivée les quolibets de ses deux cousines germaines et d’une autre tante maternelle, Fanny fait preuve de retenue et même d’effacement. Seul, Edmond, le cadet des Bertram, semble s’attacher à son bien-être dans ce nouveau lieu de vie. L’arrivée de voisins dissipés et peu regardants sur les principes, les Crawford, va modifier la donne et les comportements jusqu’alors bienséants, en apparence seulement.

J’ai moins accroché à cette histoire. Théoriquement, elle est parfaite, d’une logique implacable. L’écrit épouse magnifiquement le comportement des protagonistes : chaque scène décrit la confusion et la versatilité des esprits, leur instabilité affective aussi. J’ai apprécié que Jane Austen sorte de ses personnages nourris d’une grandeur d’âme (Monsieur Darcy dans Orgueil et Préjugés, Frederick Wentworth dans Persuasion ou bien le colonel Brandon dans Raison et sentiments). Elle casse les codes, ne s’appesantit pas sur un type d’œuvre, défigure ce qui a fait son succès. « Mansfield Park » est profondément sombre : les deux héros -Edmond et Fanny- ne sont pas super engageants (ils ne montrent pas un fort caractère, s’affirment peu), les autres personnages (le couple fraternel Crawford – Mary et Henry- , les demoiselles Bertram – Maria et Julia-, Monsieur Rushworth) m’ont paru insipides. Même Madame Norris, censée relever l’intrigue par ses saillies verbales aussi creuses et humiliantes que dissimulant difficilement sa radinerie, ne m’a guère enthousiasmée.

Reste que n’est pas Jane Austen qui veut. Chaque détail compte, chaque moment qui paraît perturbé et inachevé rebondit plus loin. Et le fameux coup de théâtre est spectaculaire, bien que préparé longtemps à l’avance. Mansfield Park vaut la lecture pour cette mise en scène d’orfèvre. Alors, oui, l’écrivaine ne fait pas rêver ici. Pas de décor somptueux, pas de prince charmant charmant (la redondance est voulue), pas de palais qui déchire, pas de froufrous. C’est un roman extrêmement lucide que nous renvoie l’auteure : le mode des marins version matelot, la disgrâce après l’audace, l’éclosion d’un splendide papillon dont le cocon a connu quelques fêlures. Fanny Price est plus proche de Catherine Morland (Northanger Abbey) et d’Elinor Dashwood (Raison et sentiments) que d’Elizabeth Benneth (Orgueil et préjugés) : sincère, trop raisonnable et parfois terne. Mais voilà, il y a des bouquins que j’arrête par leurs défauts évidents et insurmontables et il y a celui-ci qui se mérite. Oui, j’ai sauté certaines descriptions, oui j’ai soupiré jusqu’au premier tiers de l’histoire en me demandant où Jane m’emmenait, mais je n’ai jamais regretté de lui avoir fait confiance. Jane Austen est assurément une écrivaine majeure que j’ai tardé à découvrir. Je suis ravie d’avoir récupéré mon retard !

L’éditions Omnibus propose une étude super intéressante du roman par Vladimir Nabokov : à déguster comme il se doit !

Antoine
Antoine
Passionné de livre depuis mon plus jeune âge, je vous propose de partager cette passion de la Plume sur ce site internet.
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