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Critique par Fée Carabine – Mélodie schubertienne
Il suffit de quelques notes d’une chanson des Beatles, enrobée de sucre et confite en une pâle musique d’ambiance, pour projeter Watanabe dix-huit ans en arrière et le ramener à la fin de son adolescence, vers l’année 1969 où les jeunes japonais cédaient eux aussi aux chants des sirènes contestataires et marxistes. Watanabe était alors un étudiant plutôt solitaire, passionné de jazz et de littérature américaine (J.D. Salinger, Scott Fitzgerald, Faulkner…). Le suicide inexpliqué de son meilleur ami, Kizuki, pendant leur dernière année de lycée, l’a marqué si profondément qu’il a préféré quitter sa ville natale et recommencer sa vie sur de nouvelles bases, à Tôkyô.
Mais bien sûr, la vie ne recommence pas, elle continue, quoiqu’on en pense. Et l’on emporte ses morts avec soi comme le découvre Watanabe lorsqu’il rencontre par hasard Naoko, qui fut la petite amie de Kizuki et qui est à présent elle aussi étudiante à Tôkyô. De promenade en confidence et en silence partagé, Watanabe tombe amoureux de Naoko alors que les ombres portées du passé se font de plus en plus menaçantes. Et les deux années qui s’écoulent après leur rencontre marqueront pour Watanabe la fin de l’adolescence, de sa pureté, de son intransigeance, de ses illusions.
Avec « La ballade de l’impossible », Haruki Murakami nous offre un de ses plus beaux livres et un magnifique roman d’apprentissage. Le parcours initiatique qui entraîne Watanabe à la découverte de l’amour, de la mort, de la folie mais aussi de la responsabilité humaine et de la joie de vivre qu’incarnent non sans faille la fantaisie et les provocations de sa condisciple et amie Midori, est parfois très drôle et plus souvent poignant. Et ce gros roman de plus de 400 pages est un petit miracle de profondeur et de légéreté. Haruki Murakami y impose sa petite musique schubertienne sur le fond sonore de « Norwegian Wood » (la chanson préférée de Naoko): musique tout à la fois mélancolique et souriante, douleur et bonheur indissolublement mêlés.
Critique par Clochette – Une fabuleuse histoire d’amour
« Je voudrais que tu te souviennes de moi. Je voudrais que tu n’oublies jamais que j’ai existé et que je me suis trouvée ainsi à tes côtés. »
Watanabé, jeune étudiant, rencontre par hasard un jour à Tokyo Naoko, jeune fille qu’il a bien connue. Elle était en effet la petite amie de son meilleur ami Kizuki, qui s’est suicidé un an plus tôt alors qu’il paraissait heureux et que le couple qu’il formait avec Naoko semblait parfait. Impossible donc d’expliquer son geste effectué après une après midi passée avec Watanabé, sans aucun nuage, et qui s’était achevée par une partie de billard.
A l’époque, Watanabé, Kizuki et Naoko avaient l’habitude de se retrouver souvent tous les trois même si c’était surtout Kizuki qui était le lien entre eux. Ils se mettent à discuter. Naoko est une jeune fille attirante mais au comportement étrange et inexplicable. Ils finiront par coucher ensemble et elle lui révèlera un secret -elle n’a jamais couché avec Kizuki- avant de quitter Tokyo et de se rendre dans un sanatorium car elle a besoin de soins. Elle lui écrira une longue lettre de là bas, où il ira lui rendre visite car il reste fascinée par elle.
Parallèlement, il sympathise avec Midori, une sympathique jeune fille, étudiante comme lui.
Je poursuis avec toujours le même bonheur ma quête de l’oeuvre de Haruki Murakami dont l’univers me comble : des récits envoûtants, magiques, des histoires hors du commun, des amours non partagées, souvent malheureuses, des personnages tous plus étranges les uns que les autres à l’image de Nagasawa, un de ses amis étudiants, qui multiplie les conquêtes alors qu’il a une petite amie charmante et qui entraîne Watanabé dans ses soirées de drague et plutôt glauques.
La solitude, l’étrangeté des êtres et l’impossibilité de les connaître et de les comprendre vraiment, la magie des situations, la ballade de l’impossible ou l’impossible deuil de Naoko m’a une fois de plus emportée!
Critique par Jehanne – Ennui…
Ce roman ayant été adapté au cinéma, cela m’a donné l’idée de me replonger dans une œuvre de Murakami. J’avais aimé « A l’est de la frontière, à l’Ouest du soleil »,et « les Amants du Spoutnik », ( fort déconcertant par ailleurs!), mais moins « Kafka sur le rivage « .
Ce roman, l’un de ses premiers, est un récit de formation traité sur le mode romantique, tout autant qu’une longue méditation nostalgique.
A l’âge de 37 ans, Watanabe, le narrateur, entend la chanson des Beatles « Norvegian Wood « , et sombre dans la tristesse.
Cette chanson était la préférée de Naoko, son amour de jeunesse, dix-huit ans plus tôt.
Watanabe s’immerge dans les souvenirs. Il venait d’intégrer l’université en 1968, pour étudier le théâtre occidental, dans sa dimension littéraire. Le suicide de son ami Kizuki l’affecta profondément. Il commença à sortir avec Naoko, l’amie de cet ami, pour la consoler, et aussi tenter sa chance auprès d’elle. La jeune fille ne tarda pas à sombrer dans la dépression, fut admise dans une maison de santé d’inspiration antipsychiatrique, où elle se fit une amie Reiko, qui met un peu d’animation et d’allégresse dans le sinistre parcours de Naoko, que WatanAbe s’efforce de partager.
Watanabe nous raconte sa relation avec Naoko, pendant deux ans, l’attente de sa guérison, sans véritable espoir, ses rencontres avec une autre jeune femme Midori, et un étudiant plus âgé, tout deux plein d’énergie, qui l’aident à survivre. Il éprouva l’ennui fréquemment, le bonheur de temps à autre, la confusion aussi.
L’étudiant nous conte aussi son intégration sociale difficile: il ne s’intéresse pas beaucoup à ses études, bien que passionné par la lecture. Il reste étranger à l’agitation politique en vigueur à l’université, et s’efforce d’être hors-norme, en lisant les auteurs qui ne sont surtout pas à la mode. Le Gatsby de Fiztgerald revient plus d’une fois dans le récit. Il devient conscient des différences de classes sociales…
Ce roman contient de belles pages: la promenade mortifère avec Naoko dans une plaine, où se trouve un puits sans fond est d’une grande beauté poétique. Certaines évocations de Midori ou de son camarade de chambre, sont empreintes d’un comique bienvenu.
Mais la plupart du temps, le récit se noie dans la répétition de petits détails fastidieux, qui n’apportent rien à l’ensemble. Pourquoi les repas, et les actes sexuels, les plus significatifs comme les plus insignifiants, sont-ils décrits par le menu, avec autant de répétitions peu variées?
Après la page 150 le récit a commencé à m’ennuyer, mais je l’ai poursuivi néanmoins jusqu’à son terme.
Critique par Cetalir – Magique et grandiose
Publié en 1987 au Japon, traduit et édité en 2007 chez Belfond, « La ballade de l’impossible » est une œuvre majeure de Murakami. Rappelons que Murakami est l’un des auteurs majeurs contemporains japonais dont le titre le plus connu est certainement « Après le tremblement de terre ».
« La ballade de l’impossible » se caractérise par sa lenteur et la condensation du temps. Ramassé sur une période de quelques mois (un peu plus qu’une année), il donne l’occasion à l’auteur d’analyser en profondeur l’âme d’un jeune homme, étudiant en lettres classiques européennes, Watanabe, qui va se délivrer d’une période douloureuse de sa vie en se narrant à la première personne.
C’est sur cette courte période que Watanabe va se construire en tant qu’adulte et appréhender les multiples façons dont les rapports entre un homme et une femme peuvent être régis. Watanabe fut marqué par le suicide inattendu de son ami Kizuki lorsqu’il avait dix-sept ans. Avec Naoko, la fiancée de Kizuki, il formait un étrange trio dont il constituait le ciment silencieux.
Trois ans plus tard, et c’est ainsi que commence le roman, Watanabe tombe sur Naoko dans un train et celle-ci l’entraîne dans une ballade, bientôt suivie d’autres, dans les rues de Tokyo. Peu à peu, Watanabe va tomber amoureux de Naoko dont il va découvrir la terrible fragilité et les secrets. C’est une jeune femme profondément déséquilibrée, marquée par le double suicide de Kizuki et de sa propre sœur qu’elle a toujours caché.
Tourmenté par ses désirs, Watanabe se laisse entrainer par un entreprenant camarade d’université qui brûle ses nuits tokyoïtes en consommant les jeunes filles faciles, par jeu, par dérision et en offrant régulièrement à Watanabe une victime consentante pour des séances de baise sans amour.
Mais Watanabe fera la rencontre de Minori, une étudiante qui comme lui suit les cours de théâtre grec à l’université. Une jeune femme attirante, sensuelle et provocante, fiancée à un jeune homme brutal et rustre dont elle s’éloignera au fur et à mesure que son amour pour Watanabe grandit.
Pris entre ces diverses femmes, amoureux loyal d’une Naoko impossible à atteindre car murée dans ses angoisses au point d’en être internée loin de Tokyo, Watanabe va devoir trouver son chemin entre des amours impossibles à concilier, entre des vies qui toutes, l’amènent sur des trajectoires différentes et incompatibles.
Aucune des relations de couple mises en scène dans ce roman n’est normale. Elles illustrent toute une impossibilité structurelle qui, toujours, repose sur le fait que le désir ou l’attente de l’un est décalé par rapport à celui de l’autre. D’où des situations terriblement douloureuses et ce, d’autant qu’aucun des protagonistes ne semble capable de tirer des conclusions constructives. D’où des situations tragiques qui s’enchaînent et qui éliminent systématiquement les plus faibles psychologiquement parlant. C’est l’impossibilité de vivre quand la douleur devient trop grande.
Il en résulte un roman fulgurant, poétique et sensuel, une longue complainte nostalgique et tragique qui vous plonge rapidement dans une ambiance lourde, un peu angoissante, à laquelle on fait face grâce au recours à l’humour et à la dérision que manie l’auteur à la perfection. Un livre assez magique et grandiose.